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N°107
LE MAGAZINE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
 

PASSION

MAI  2001      pages 62-63

Les copeaux d'abord

Marqueteur d'exception,
Bernard Lacombe n'a pas suivi les sentiers de l'école Boulle.
Superpositions successives, utilisation de copeaux, constituent une technique unique au monde. Aujourd'hui, bien malgré lui, la réputation de ce gardien de la paix de Besançon a franchi les frontières de l'hexagone comme en témoigne l'exposition à laquelle il a participé du 4 au 8 avril au Pal'expo à Genève.

« J'ai toujours aimé travailler le bois », déclare Bernard Lacombe avec un chaleureux accent franc-comtois. Sculpté, marqueté, ciselé, collé, poncé, toute une série de participes passés, pour un présent dédié tout entier à l'art délicat de la marqueterie. Une marqueterie d'exception devant laquelle, bouche bée, le profane croit à une peinture. Mais, il n'en est rien, tout ici est affaire de bois, de techniques, de patience, de précision, d'une harmonie entre l'artiste et la matière. Véritable complicité qui permet à l'artiste de l'utiliser comme la palette d'un peintre.

"Ce qui est magique dans le ponçage. c'est qui on voit apparaître en dernier ce qui doit être vu en premier : Le sujet principal."

Mais qui, plus loin encore, va puiser dans la texture, la veine ou la volute, pour, en faire émerger la forme qui sommeille ; y révéler le pli d'un vêtement d'une glaneuse de Millet ou de la laitière de Veermer, ou encore la transparente surprenante d'un vitrail d'église. Bois oxydés, bois naturels et bois teints dans la masse s'harmonisent sous les mains expertes qui leur confèrent la noblesse de l'art. Figurative, l'œuvre, reprend avec bonheur, des portraits, des paysages, des animaux ou des compositions florales. Ici, l'énergie créatrice est maîtrisée au profit du talent, le tout servi par un savoir-faire véritablement unique dans un cadre privilégié.

C'est dans un petit village proche de Besançon que Bernard s'adonne à sa passion. Là, dans une ancienne cuisine, se trouve son atelier; dans une pièce voisine, il entrepose les différentes essences de bois, sous forme de feuilles de placage. Toujours à la recherche de nouveaux bois, il dit avec un sourire que c'est là toute sa richesse. Inutile de lui demander le nombre d'essences ou d'heures nécessaires à ses créations.

Bernard n'a pas l'esprit comptable, il est tout entier dans ce qu'il fait. Quand il parle de sa vie, il le fait là aussi sans faux-semblants:
« Ma vie se partage en trocs parties: ma vie administrative, (il est gardien de la paix au commissariat de Besançon), ma vie sportive (professeur d'Aïkido au dojo franc-comtois avec son épouse Lucette) et ma passion la marqueterie. 


Une vie bien remplie dont la famille est partie intégrante: « Lucette, est peintre, elle me donne des conseils artistiques lorsque je la sollicite, et notre fils me prépare certains sujets sur ordinateur en les scannant et en les réduisant en zones de couleurs dégradées (16 couleurs), ce qui facilite mon travail ultérieur ».
Brillant informaticien, son fils Jean-Luc (ceinture noire d'Aïkido) a en effet mis ses talents au service de ceux de son père, en créant pour lui un site remarquable sur Internet.
Histoires de passion donc, de passions qui s'entrecroisent, s'épaulent et se renforcent.
Passion où s'exerce la mémoire. Celle de Bernard est faite de la fascination qu'exerçaient sur lui les artisans ébénistes-marqueteurs, voisins de ses parents: « Le bois est une matière extraordinaire à travailler. Le plaisir est dans le toucher, le grain, la chaleur qui en émane ».
Une fois revenu dans sa région natale, il n'eut de cesse d'apprendre les arcanes de cet art, devenant l'élève d'un de ces artisans magiciens marqueteurs.
Découverte de gestes et de savoirs ancestraux, école de rigueur et d'exigence. Sa fascination ne se dément pas. l'élève va très vite souhaiter voler de ses propres ailes: « Les techniques traditionnelles ne me satisfaisaient plus. Je les trouvais trop contraignantes. J'avais envie d'aller au-delà, de trouver mes propres moyens d'expressions.» C'est ainsi qu'après avoir utilisé la technique du filet, par juxtaposition de petits morceaux, de languettes de bois rectilignes, il passe à la superposition de morceaux plus importants.


 De cette façon, il obtient, lors du ponçage de la dernière couche, un effet de transparence ou de flou qui donnent à son oeuvre une fluidité et un rendu des mouvements étonnantes, vérité, Il ne s'arrête pas Il veut de la couleur, de la diversité, et c'est le copeau qui va lui donner la solution, Lorsqu'il crée une composition Bernard a besoin d'une planches, contre-plaqué, sur laquelle il esquisse ses motifs. II commence par le sujet le plus important, et colle sur son support les éléments de bois correspondant dans les essences les plus dures. Vient ensuite le travail de sculpture des morceaux collés sur le support. II adoucit les angles, donne les Tonnes, puis, à partir d'essences plus tendres, les superpose au travail précédent, posant ses copeaux là où il souhaite donner des effets de lumières, d'ombres ou de couleurs.
Dernier acte, il pose le (ou les) fonds) qui recouvrent) la totalité du tableau. Ace stade, (aspect de la composition est déroutant, puisqu'on ne voit qu'une planche sur laquelle serait collé un ou plusieurs grands morceaux de feuilles de bois. C'est alors qu'il procède à un serrage à chaud, qui sera suivi du ponçage révélateur de l'œuvre dans son ensemble. « Ce qui est magique dans le ponçage, c'est qu'on voit apparaître en dernier ce qui doit être vu en premier: le sujet principal, » La magie opère, le résultat est surprenant, comme d'une toile dont la peinture serait de bois. A mille lieues de ce que l'école Boulle propose, et que d'ailleurs Bernard n'a jamais travaillé. De véritables oeuvres, unique, par leur nuances, leurs couleurs et leur vérité:


« Même si je le voulais, je ne pourrais jamais refaire la même chose. Faire un même sujet reste toujours possible, mais il est impensable de prétendre retrouver le même dessin dans un bois, la même forme, et les mêmes nuances dans les teintes.» Une passion où Bernard se ressource et laisse vagabonder son imagination. Un équilibre et une harmonie à l'image des choix de vie qu'il a fait siens.

Jean-Philippe Robert

Photos Jean-Luc Ziegler

 

 

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